D’où es-tu ?

Marseille est diverse, Marseille est colorée, avec ses habitants aux origines variées. C’est un grand port, alors cela fait longtemps qu’elle est ville d’immigration. Et bien sûr, elle a des liens particuliers avec les pays juste de l’autre côté de la Méditerranée, en Afrique du Nord. Les bateaux vont et viennent entre les deux rives. C’est comme ça qu’un jour, les parents de Zakari sont arrivés en France.

Zakari a vingt ans et il a passé la première moitié de sa vie en Algérie, sa terre natale, et la seconde moitié à Marseille, où il est parfaitement chez lui. Il raconte tout ça, comment on s’intègre et comment on devient parfaitement bilingue. Souvenirs, souvenirs ! Jolie conversation.

Transcription:
Z: Zakari / A: Anne

A: Alors, Zakari, vous êtes de quelle origine en fait ?
Z: Je suis algérien. Je suis exactement de Bejaia, une petite ville qui est presque aussi grande que (1) Aix-en-Provence…
A: Ah d’accord.
Z: … à proximité de Algers.
A: D’accord. Et alors, vous êtes arrivé quand en France ? (2)
Z: Je suis arrivé précisément le 21 décembre 2001.
A: Ah, c’est précis, hein !
Z: Voilà. Je me rappelle. C’est… c’est un événement.
A: Oui, c’est vrai ?
Z: Donc ça va faire bientôt un an… dix ans le 21 décembre 2011. Je suis arrivé, je parlais pas français. Donc j’ai dû m’adapter.
A: Pourquoi ? A l’école, vous aviez pas… ?
Z: Si, on parlait français. Mais on avait… J’avais commencé à par[ler]…à étudier le français en Algérie…
A: Un petit peu ?
Z: Un an. Un an auparavant. Donc j’avais pas assez de… de bagage (3).
A: Mais vos parents, ils parlent français ?
Z: Oui, mon père, il parlait français. Ma mère, elle parle pas français. Maintenant, elle parle assez bien parce que comme elle sort, elle travaille, et tout (4), donc elle parle français. Mais ma soeur… Mes deux soeurs et moi (5), on parlait pas français.
A: Ils ont quel âge, les frères et soeurs ? Les… Les deux soeurs ?
Z: Ma soeur…
A: Non, c’est ça, vous avez deux soeurs.
Z: Ma soeur avait… J’ai… j’ai une grande soeur qui a un an de plus que moi.
A: Oui. Donc vous, vous avez quel âge ? Vingt ans à peu près ?
Z: Quand je suis arrivé… Oui, là, j’ai vingt ans. Quand je suis arrivé, j’avais… j’avais dix ans. Ma soeur, elle avait onze ans. Donc elle parlait un peu mieux que moi français, mais…
A: Hm. Elle avait…
Z: On peut pas dire qu’elle parlait non plus couramment le français.
A: Oui, c’était une langue étrangère pour vous.
Z: Voilà.
A: Et ma petite soeur, elle avait un an, donc elle avait tout le temps de s’adapter pour…
A: Ah oui ! Elle, elle a grandi avec le français.
Z: Voilà. Elle a grandi avec le français.
A: D’accord. D’accord. Et alors, pourquoi est-ce que vos parents ont décidé de venir s’installer… A Marseille ? Tout de suite (6) à Marseille ?
Z: A Marseille, oui. Parce que mon père, comme je vous l’avais dit, il est venu en France dans les années 80-90. Et comme ça lui a plu, Marseille, en plus par rapport au climat, c’est quasiment le même (7) qu’à Bijaia.
A: Oui, c’est de l’autre côté.
Z: Climat méditerranéen.
A: C’est juste de l’autre côté de la Méditerranée.
Z: Voilà (8). Donc il a hésité entre Lyon et Marseille. Mais comme à Lyon, il faisait très froid, on a choisi Marseille notamment pour des conditions de… de climat.
A: D’accord.
Z: Et voilà. (9)
A: D’accord. Et alors quand vous êtes arrivés, comment ça s’est passé ? Il avait un travail, votre papa ? Enfin, c’était…
Z: Il était à la recherche d’un travail.
A: Oui. Et vous avez été logés où, au début ?
Z: Mon père, il est… En fait, mon père, il est d’abord venu pendant un an tout seul.
A: Ah !
Z: Il s’est construit un… un environnement, c’est-à-dire qu’il a… il a recherché un travail. Il a…
A: Ah oui !
Z: … recherché un appartement et tout.
A: Et après, il a fait venir tout le monde (10).
Z: Voilà. Une fois qu’il avait un appartement, même s’il avait pas le travail, il nous a fait venir. Et à partir de là, il s’est dit que avec notre famille, il va… il va (11)… Il aura (11) plus de chance de trouver un travail que si il était seul, parce que les entreprises, elles vont (11) pas… Elles vont pas se… se précipiter pour l’engager. Alors, comme il a (11) des enfants à charge, il s’est dit que, bon, peut-être que les entreprises, auraient plus de compassion. Il…
A: Oui. Et alors, c’était…
Z: Et ça a marché. (12)
A: Ah bon, d’accord.
Z: Ça a marché et il a trouvé un travail six mois plus tard. Et après, il nous a inscrits à l’école directement, c’est-à-dire qu’il avait fait la démarche de nous inscrire à l’école avant même qu’on arrive en France.
A: Oui, pour avoir une place.
Z: Voilà. Et donc on est arivés en France, on savait dans quelle école on allait et tout.
A: Alors au mois de décembre, en plein milieu de l’année, quoi, enfin…
Z: En plein milieu des vacances. On était pendant la période de Noël. Et après, on a fait la rentrée (13)…
A: En janvier.
Z: Le… le 3 janvier, je crois, avec les élèves. Donc on est arrivés. Les élèves, ils étaient tout étonnés de voir de nouveaux élèves qu’ils connaissaient pas du tout.
A: Bah oui, en cours d’année (14) comme ça.
Z: Voilà, après, le directeur, il nous a présentés. Il a dit que c’était de nouveaux élèves qui parlaient pas français, qu’il fallait bien les accueillir, qu’il faut pas les…
A: Oui, les laisser à part.
Z: Voilà, il faut bien les…
A: Les intégrer, oui.
Z: Les intégrer.
A: Et alors, comment ça s’est passé ? Parce que quand on comprend pas une langue, c’est pas évident !
Z: Ça a été difficile dans le sens où ils étaient tous accueillants, ils…ils venaient tous vers moi, ils me posaient des questions. Mais comme je parlais pas français, je pouvais pas leur répondre.
A: D’accord !
Z: D’ailleurs je me rappelle toujours. Ils me posaient une question. Ils m’ont dit: « Dans quelle classe tu vas être ? » Moi, à la… à la base, j’étais en 5è, ce qui est l’équivalent du CM1 (15)
A: Ah d’accord.
Z: Et je leur ai dit en CM5, ce qui n’existe pas.
A: Ah oui, donc ils comprenaient rien !
Z: Ils ont… Donc ils ont rigolé (16). Ils m’ont dit: »Non ça existe pas, et tout ». Et apparemment… Enfin je suis passé en CM1 du coup. Et… et l’intégration s’est faite à partir de là. Le prof, il me faisait des cours particuliers (17) sur la lecture, comment prononcer des mots.
A: C’est vrai ?
Z: Par exemple…
A: Combien de temps ça a pris pour…
Z: Ça a pris…
A: …. se débrouiller ? (18)
Z: Ça a pris deux, trois mois. Mais comme j’étais assez bon élève quand j’étais en Algérie, donc je me suis investi à fond (19). Le prof (20) de… de…. de CM1 m’a posé… m’a passé des… des livres de grammaire, de vocabulaire, pour faire des exos (21) à la maison. Donc je les ai faits. Pendant les vacances de CM1, les grandes vacances d’été, j’avais des exos que j’ai… que j’ai pas tout faits mais j’ai fait à moitié à la maison, donc ce qui m’a aidé.
A: Oui, oui. Bah puis peut-être que quand on est enfant aussi, on est…
Z: On est plus…
A: … on se pose pas trop de questions…
Z: Voilà.
A: … finalement. On vit et puis on se débrouille.
Z: Après… Exactement. Et à partir de la rentrée CM2, j’étais tout intégré, je parlais… pas très bien français mais j’avais des conversations…
A: Normales, ouais.
Z: Normales avec mes camarades.
A: Oui, oui, d’accord. La seule chose, c’est peut-être à l’écrit. C’est peut-être plus…
Z: A l’écrit…
A: … plus difficile.
Z: … au niveau de la dictée, puisqu’en CM2, on fait encore de la dictée. Je faisais beaucoup de fautes d’orthographe.
A: Bon, les Français aussi, hein !
Z: Oui, mais moi, j’étais vraiment très…
A: Très nul ! (22)
Z: Ah oui ! C’est au niveau de… Après, au fur et à mesure que j’ai… j’ai progressé. Mais là, à (23) cette année-là, à cette période-là, j’étais très limité au niveau du vocabulaire et notamment de l’écriture.
A: Oui, oui. Donc ça s’est plutôt bien passé, quoi, en fait.
Z: Bien… Très bien passé même. J’étais parmi un des meilleurs élèves (23) de ma classe en CM2.
A: Oui, oui. Ça aide à s’intégrer, tout ça.
Z: Ça aide à s’intégrer, ouais. Même j’étais plutôt gentil, donc ils m’ont plutôt bien accepté.

Quelques explications:
1. que Aix en Provence: normalement, on doit dire et surtout écrire: qu’Aix en en Provence (car le mot après que commence par une voyelle). Mais à l’oral, comme on traîne parfois un peu sur les mots, on commence par dire « que » et on ne change pas, même si le mot qu’on finit par dire après commence par une voyelle. Ne l’écrivez pas comme ça. Ici, c’est juste parce que nous transcrivons ce qui est dit exactement.
2. Vous êtes arrivé quand en France ? : question uniquement orale, mais très naturelle. Dire « Quand êtes-vous arrivé en France ?  » est d’un style beaucoup plus soutenu (et écrit).
3. bagage: ici, cela signifie « des connaissances ».
4. et tout: c’est comme « etc… ». C’est familier.
5. Mes deux soeurs et moi: il faut toujours suivre cet ordre des mots. C’est considéré comme impoli de dire : « Moi et mes deux soeurs ».
6. tout de suite: immédiatement
7. quasiment le même: presque le même. (La différence est infime.)
8. Voilà: ici, c’est le « voilà » qui montre qu’on approuve ce que l’autre vient de dire, que c’est exactement ça qu’on voulait dire.
9. Voilà: ici, c’est un autre sens. C’est comme une conclusion à ce qui vient d’être dit.
10. tout le monde: ici, c’est toute la famille.
11. il va / il aura / elles vont pas / il a : Normalement il faudrait utiliser des temps différents, parce que la phrase commence par « Il s’est dit… » => Il s’est dit qu’il allait… qu’il aurait… qu’elles allaient pas… Comme il avait des enfants…
12. ça a marché: il y a eu un résultat positif.
13. la rentrée: ici, il s’agit de la rentrée des classes de janvier, en cours d’année scolaire. Souvent quand on parle de la rentrée, on veut plutôt parler du début de l’année scolaire début septembre. (Une année scolaire commence début septembre et se termine début juillet.)
14. en cours d’année: alors que l’année était déjà commencée, alors qu’on n’était pas au début.
15. le CM1 = le cours moyen première année. L’école primaire se divise de la manière suivante: le CP (cours préparatoire), le CE1 et le CE2 (cours élémentaires 1 et 2), puis CM1 et CM2. On entre à l’école primaire l’année de ses 6 ans. On utilise toujours les abréviations pour désigner les différents niveaux.
16. rigoler: rire (familier)
17. des cours particuliers: des cours individuels, juste pour lui.
18. se débrouiller: s’en sortir. Ici: se faire comprendre et comprendre, ne pas être complètement perdu.
19. à fond: totalement, au maximum.
20. un prof: abréviation courante à l’oral de professeur.
21. un exo: abrévaition familière de exercice. (Ne s’emploie qu’à l’oral)
22. nul: pas bon du tout, vraiment mauvais. (familier)
23. à cette année-là: on dit juste « Cette année-là« .
24. parmi un des meilleurs élèves: il y a téléscopage entre deux formulations. Soit on dit: J’étais parmi les meilleurs élèves. Soit on dit: J’étais un des meilleurs élèves.

TELECHARGER: D’où es-tu – France Bienvenue

9 réflexions sur “D’où es-tu ?

  1. Juan Fornes dit :

    Bonjour,
    je suis étudiant de français au niveau Intermediaire II, et j’ai trouvé très intéressant le site web, mais je crois que
    trop tard parce que j’ai mon épreuve officiel c’est le 14 juin.

    Merci par l’èffort qu’il réprésente avoir le site web active.

    J’aime

Laisser un commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s