Aujourd’hui, avec Gaël, il est question des valeurs qu’il aime dans le rugby, des rêves mais aussi des déboires qu’on peut avoir quand on joue à ce niveau.

Transcription
G : Gaël / A : Anne
G : Ce que je vous disais, c’est que, de manière générale, c’est que le rugby corrobore (1) bien avec les valeurs sociétales (2) qu’on essaie de nous inculquer (3)… enfin, dès l’école, hein : le respect de la loi entre guillemets donc, là, pour le coup (4), dans le rugby, c’est l’arbitre, le respect de l’autre, donc respect de l’adversaire, aussi la cohésion, l’entraide, mixité.
A : Et vous, alors, qu’est-ce que vous avez comme qualités que vous avez vraiment développées au rugby ? Qu’est-ce que vous diriez ? En quoi ça vous a changé, par exemple par rapport au petit garçon que vous étiez ?
G : Je dirais la culture… bah déjà, la première valeur, c’est la culture de l’effort. Tous ces grands athlètes, dans les différentes disciplines sportives, si ils en sont là, c’est pas pour rien (5), c’est qu’il y a beaucoup de travail derrière. Et du coup, je me considère comme chanceux de pouvoir… d’avoir pu… on va dire vraiment être aux portes du professionnalisme, enfin du très haut niveau, où j’ai vraiment côtoyé ces grands athlètes, et comme je le disais, hein, si ils en sont là , c’est…
A : … Oui, beaucoup de travail.
G : Voilà, acharnés de travail. Souvent, on envie beaucoup la vie de ces athlètes, mais on oublie que derrière, il y a beaucoup de sacrifices. Eux, pour eux, enfin ils le savent, ils sont très chanceux parce que ça marche, mais derrière, il y a aussi des… pas mal d’athlètes qui ont fait tous ces sacrifices et ils ont un peu le revers de la médaille (6), quoi. Et donc voilà, ce serait vraiment la première chose. Et la deuxième chose qui est vraiment spécifique au rugby, je dirais la loyauté, la loyauté, que ce soit pour le partenaire avec lequel on joue, c’est-à-dire qu’on n’est pas forcément de grands amis, mais dès qu’on remet la même tunique (7) et qu’on joue pour le même club, bah en fait, on se doit le respect entre nous, dans le sens que… c’est-à-dire que, voilà, on doit se dépasser (8), on n’a pas le droit de tricher (9), juste parce que il y a notre partenaire à côté qui joue et que lui, il va tout faire pour essayer de se dépasser. Et après, la loyauté aussi du club. Voilà.
A : Et dans les enfants, dans les jeunes, là, que vous encadrez (10), est-ce que vous vous dites : Tiens, il y en a, si on les aide à aller dans ce sens, il y a quelque chose de prometteur ? Et est-ce qu’il y en a vous vous dites : Tiens, moi, j’ai bénéficié de ça, peut-être que là, il y en a, il va falloir les… leur donner le coup de pouce (11) et puis les aider ?
G : Avant, on était vraiment porté sur… sur la pratique du rugby… enfin, en dessous de l’âge de seize ans, on était vraiment concentré seulement sur une pratique du rugby pour s’amuser, alors que là, maintenant, il y a pas mal de parents, même des enfants, hein, c’est… Quel est leur rêve ? C’est d’essayer d’être comme la personne qu’ils voient à la télé, donc ça, c’est bien. Après, voilà, comme j’ai dit, faut pas que ce soit une finalité à outrance où derrière, en fait, on oublie tout. Le plus important, c’est l’école, c’est… Voilà, c’est de garder, si vous voulez, une assise dans le monde réel. Et voilà, c’est à dire qu’à un moment, oui, on est très, très bon sur le terrain mais on parle pas assez, il y a la blessure aussi, c’est-à-dire que à l’instant T, on peut être très bon et le lendemain, on n’est plus rien. Et faut pas l’oublier. Donc je dis pas qu’il faut jouer avec la peur au ventre, faut vivre avec la peur au ventre (12) mais…
A : On sait que ça peut arriver.
G : C’est ça. Je pense qu’il faut… C’est pas très judicieux (13) tout le temps de faire un tout ou rien sur le sport. Et voilà, comme j’ai dit, on peut se dépasser pendant la pratique mais il est bien de garder un petit matelas (14)…
A : Oui, oui, de rester dans la vie, disons, plus ordinaire.
G : Exactement.
A : Oui. Et justement, à propos de blessures, est-ce que vous avez eu des choses graves et il a fallu se ré-entraîner, enfin, voilà ?
G : A l’âge de 18 ans, j’ai eu des KO à répétition.
A : Ah oui ?
G : Dont un grand – c’était l’année de mon bac – un grand qui m’a amené beaucoup de séquelles (15), donc…
A : Un KO, carrément ?
G : Oui, oui.
A : Un placage, quelque chose… ?
G : Oui, un placage et en fait du coup, je m’étais ouvert la lèvre, j’avais eu vingt points de suture à la lèvre, à la bouche. Le choc, il était impressionnant, mais surtout, c’était un peu une répétition. A un moment, voilà, on joue un peu trop avec la santé. Donc il a fallu dire stop, essayer de se soigner tranquillement, laisser le temps au temps. Et après, malheureusement, j’ai ponctué (16) mon aventure parisienne avec une blessure assez grave à la cheville – fracture de la malléole avec rupture des ligaments de la cheville.
A : Ah ! Pendant un match ?
G : Oui. Vingt minutes, je jouais à Montpellier.
A : Aïe, aïe, aïe !
G : Du coup, voilà, après, c’est les aléas. Maintenant, j’espère que cet épisode est derrière moi et que je tends vers des jours meilleurs.
A : Bon, bah écoutez Gaël, je vous souhaite le meilleur pour la suite et puis de pouvoir rejouer un peu plus librement, s’entraîner plus librement quand cette crise sanitaire va nous laisser un peu tranquilles et puis, on suivre ce que vous faites dans la suite ! On regardera !
G : Merci beaucoup, madame.
Des explications
- corroborer quelque chose : renforcer, confirmer (très souvent une hypothèse, une idée).
- des valeurs sociétales : les valeurs qui fondent la vie en société
- inculquer : enseigner (quelque chose)
- pour le coup : donc dans cette situation
- C’est pas pour rien : cela signifie qu’on n’arrive pas à ce niveau sans effort. Il y a donc des explications réelles à cette réussite.
- le revers de la médaille = l’envers de la médaille, cest-à-dire la face moins « belle »
- une tunique : ici, il s’agit du maillot du club pour lequel on joue
- se dépasser : faire tout ce qu’on peut sans se contenter du minimum
- tricher : ici, cela signifie qu’on doit se donner à fond, qu’on ne peut pas « trahir » ses coéquipiers
- encadrer : s’occuper de jeunes par exemple qu’on forme, qui ont encore besoin d’être guidés
- donner un coup de pouce à quelqu’un : aider quelqu’un pour qu’il puisse aller plus loin.
- vivre avec la peur au ventre : être très anxieux
- Ce n’est pas judicieux : ce n’est pas une bonne idée, ce n’est pas raisonnable
- garder un petit matelas : cette image signifie qu’il faut avoir quelque chose pour amortir les chocs
- des séquelles : les conséquences d’un accident, d’un choc sur quelqu’un, qui restent après la guérison
- ponctuer : ici, cela signifie terminer, conclure
A la semaine prochaine.