On reste à la maison – Chloé

C’est Chloé qui ouvre le bal: elle est la première à témoigner ici, comme annoncé précédemment, sur sa façon de s’adapter à cette période exceptionnelle que nous vivons tous. (Le son n’est pas idéal pour cette première conversation au téléphone, en attendant de faire mieux par la suite.)

Chloé est étudiante en 1ère année à l’IUT. Elle habite dans le quartier de Bonneveine à Marseille. Est-ce que vous voyez la mer au loin sur la photo qu’elle partage avec nous ? C’est la vue de sa chambre, dans l’appartement où elle vit avec sa mère et sa soeur. Elle est à dix minutes de la mer mais en ce moment, bien sûr, elle se contente de la regarder de loin. Merci Chloé pour ce moment d’échange!
Séparés les uns des autres mais tous ensemble malgré tout.

On reste à la maison, avec Chloé – France Bienvenue

Transcription:
C : Chloé / A : Anne

A : Bonjour Chloé.
C : Bonjour.
A : Comment ça va ?
C : Ça va, ça va.
A : Bon, bah parce que ça fait un petit moment qu’on s’est pas vu quand même maintenant, puisque ça fait deux semaines que l’IUT est fermé. Mais bon, on a communiqué quand même par… par internet puisque vous suivez les cours, hein, de notre département (1).
C : Oui, sur un site internet.
A : Voilà. Alors comment ça se passe pour vous (2) ? Par rapport à…
C : Bah c’est vrai que au début, c’était assez compliqué parce que bah pour arriver à suivre… on est tenté, parce qu’on est chez nous… on est tenté d’aller un peu partout dans la maison, sur le téléphone, alors qu’à l’IUT, on peut pas du tout le faire.
A : Non, c’est sûr !
C : Et au final (3), je me rends compte que je suis peut-être plus attentive chez moi qu’en cours…
A : Oui ?
C : Parce que je sais que quand je suis en cours, c’est mon moment. Je dis à tout le monde : «Ne me parlez pas, je suis en cours », et tout. Donc du coup, au final, je suis peut-être un peu plus attentive.
A : Vous savez que c’est une impression que j’ai eue en fait, parce que bon, en tant que prof, je suis de l’autre côté, finalement. Et j’ai eu cette impression-là. Et je me suis dit… Je pense qu’il y a des étudiants, bon d’abord qui se prennent encore plus en main (4), parce qu’il y en a qui travaillaient pas beaucoup. Et puis, oui, j’ai eu l’impression que beaucoup d’étudiants étaient très, très contents de faire comme ça. Et je me demande… enfin, on fera un bilan (5) plus tard, mais je suis sûre qu’il y en a en fait qui sont plus concentrés, plus productifs.
C : Ah oui, oui, oui. Je pense, oui.
A : C’est marrant (6), hein ! Bon, c’est un des effets positifs.
C : Ouais. Après, ce qui est compliqué, c’est pour poser des questions, on n’entend pas très bien, c’est compliqué d’expliquer bien ce qu’on n’a pas compris, c’est un peu compliqué. Mais par contre, pour la concentration, c’est vachement… vachement (7) bien.
A : D’accord ! Et alors, vous dites à tout le monde de vous laisser tranquille (8) quand vous êtes en cours, c’est-à-dire c’est votre famille ? Qui est-ce qu’il y a autour de vous ?
C : Oui, en fait, chez moi, du coup, il y a ma mère avec ma petite sœur. Ma mère, elle travaille aussi chez moi. Et ma sœur, elle est censée (9) avoir des cours, bon, qu’elle n’a pas !(10)
A : Petite sœur… Elle a quel âge ?
C : Elle est en quatrième (11), elle a treize ans.
A : D’accord. Donc normalement, elle récupère des cours de ses profs, du collège.
C : Oui. Par contre, elle, elle a aucun cours en vidéo.
A : D’accord. C’est tout… Il faut tout étudier tout seul et…
C : Oui, ça, c’est un peu plus compliqué, parce qu’elle en 4è, que c’est dur et qu’en plus, en 4è, on n’est pas totalement autonome.
A : Oui. Oui, oui.
C : Enfin moi je sais que en 4è, si on m’avait dit : « Tu fais ça, tu te corriges », j’aurais dit : « Oui, oui, d’accord… » (12)
A : C’est pas facile, ça. Ouais, ouais, j’imagine.
C : Donc voilà. Et du coup, quand je suis en cours, il faut pas qu’on me parle et tout. Il savent, mes parents, ils ont mon emploi du temps. Je leur dis : « Tel jour, j’ai cours à telle heure » et tout.
A : ça s’organise autour de ça.
C : C’est ça.
A : Et vous dites votre maman, elle fait du télétravail, alors ?
C : Oui.
A : Parce que elle… Qu’est-ce que c’est ? Elle est dans quel domaine ?
C : Alors, elle, elle travaille à la banque, dans une banque. Elle doit appeler tous ses clients et tout, de la maison. Elle fait tout… En fait, elle a récupéré son ordinateur du travail, comme ça, elle fait tout d’ici.
A : Et qu’est-ce qu’elle en dit (13) ? C’est difficile ? Elle a l’impression d’avoir encore plus de boulot (14) ?
C : Oui, c’est difficile parce que parfois, quand elle est au travail (15), elle s’oblige à rentrer par exemple. Des fois, le soir, il est 21 heures, elle est encore sur ses trucs (16) et tout. Donc sur ça, c’est un peu compliqué. Mais après, le matin, elle dit «  je vais à mon rythme, quoi. Si j’ai envie de boire un petit café, je bois un petit café. » Donc pour ça, c’est bien, mais c’est vrai que le soir, des fois, on est obligés de lui dire : « Allez, maman… »
A : Oui. « Reviens avec nous ! »
C : C’est ça.
A : Moi, je sais que la première semaine, là, quand on a été donc… d’abord qu’il y avait plus l’IUT, puis ensuite, le confinement annoncé, moi, j’ai eu l’impression d’être mais (17) totalement mais (17) submergée, parce que on a eu des réunions par internet avec les collègues, il a fallu réorganiser les cours. Plus le choc quand même un peu de cette nouvelle, quoi, finalement, parce qu’on y croyait sans y croire, enfin… on se voyait pas rentrer là-dedans, donc ça fait un peu…
C : Ah oui, pas du tout ! On se disait : « C’est pas… C’est qu’en Italie, c’est que en Chine. Mais nous on va échapper. »
A : Oui, c’est ça.
C : Mais non !
A : Et, c’est vrai que bah c’est ça aussi, moi j’ai eu l’impression mais (17) de ne plus arriver à faire la frontière entre le travail et la maison, alors que quand je vais à l’IUT par exemple, ensuite je rentre à pied – j’ai… je sais pas… un quart d’heure, vingt minutes à pied – et c’est comme si ça coupait vraiment. Il y a le monde du travail. Puis je fais ce petit…
C : Oui, on rentre à la maison, quoi.
A : Voilà. Et là, il y avait plus de limites, plus de barrière. Ça fait bizarre. Et par rapport à vos copains, copines, vous communiquez comment ?
C : Bah nous, c’est vrai qu’on parle beaucoup sur les réseaux (18). Après (19), on s’appelle souvent et tout. Mais bon, c’est un peu compliqué parce que c’est pas pareil, quoi, quand on s’appelle et tout. Puis on n’a rien à se raconter, quoi ! « Tu as fait quoi ? Bah rien. Et toi ? Bah rien. » Donc ça, c’est un peu lourd, quoi. On n’a rien à se dire. Mais bon. On fait avec (20) et tout. Après, c’est compliqué de pas sortir (21). Je sais que j’ai des copines qui sortent jamais, donc ça leur pose aucun problème. Elles sont chez elles tranquillou (22) et tout. Mais moi, j’ai l’habitude de sortir et tout. J’ai eu mon permis (23) la semaine avant le confinement. Du coup, j’ai même pas encore touché la voiture ! Donc je suis un peu dégoûtée, mais bon ! Voilà.
A : ça change tout, hein.
C : Oui, ça change tout, ouais.
A : Bah écoutez Chloé,je vous remercie pour toutes ces bonnes nouvelles quand même puisque ça a l’air d’aller pour vous. Et…
C : Oui, ça va, ça va.
A : Voilà. Et puis bah écoutez de toute façon, on se voit en cours, sur internet ! Et puis, oui, bah si… Peut-être vous nous raconterez la suite dans les semaines… dans les jours à venir, puisqu’on en a encore pour quelque temps. (24)
C : Volontiers, oui.
A : Je vous remercie Chloé. Merci beaucoup.
C : De rien. Merci à vous.

Des explications :
1. notre département : le département GEA de l’IUT de Marseille a réorganisé les cours en utilisant encore plus notre environnement numérique de travail et en assurant en visioconférences les cours prévus à l’emploi du temps avant le confinement.
2. Comment ça se passe pour vous ? : c’est la question posée pour que Chloé raconte et décrive sa situation.
3. Au final = finalement / en fin de compte
4. se prendre en main : devenir autonome
5. faire un bilan : analyser une situation et en tirer des conclusions
6. marrant : amusant, drôle. Ici, il y a aussi l’idée que c’est surprenant
7. vachement : très (familier)
8. laisser quelqu’un tranquille : ne pas le déranger
9. elle est censée (faire quelque chose) : normalement, elle devrait faire quelque chose, c’est prévu.
10. des cours qu’elle n’a pas : tous les collèges et toutes les écoles primaires n’ont pas réussi à mettre en place dans l’urgence des cours sur internet. Tous les enseignants ne sont pas bien formés aux nouvelles technologies, tous n’ont pas le matériel informatique nécessaire chez eux, etc.
11. La quatrième : c’est la troisième année au collège en France.
12. Le ton sur lequel Chloé dit ça est important. C’est comme si elle disait : OK, mais si tu crois que je vais faire ce que tu me demandes !
13. Qu’est-ce qu’elle en dit ? = Qu’en pense-t-elle ?
14. Le boulot = le travail (familier)
15. quand elle est au travail : d’habitude, quand elle allait au bureau.
16. ses trucs : ce terme vague désigne ici ses dossiers, son travail, tout ce qu’elle a à faire. (familier)
17. mais : ici, ce mot est employé pour insister sur ce qui suit. (Il y a le ton qui va avec)
18. les réseaux = les réseaux sociaux
19. après : sinon / à part ça
20. faire avec : supporter une situation. On fait avec. = on ne laisse pas cette situation nous gêner totalement, on s’adapte.
21. Sortir = sortir entre amis, le samedi soir par exemple (aller au bar, au resto, en boîte, etc. pour s’amuser)
22. tranquillou : tranquillement (familier, uniquement oral)
23. mon permis : Chloé a réussi son permis de conduire juste avant le début du confinement.
24. On en a pour quelque temps : ça va durer encore un moment.
Il ne faut pas oublier « en » dans cette expression :
J’en ai pour 5 minutes. (= ça va me prendre 5 minutes pour faire ce que j’ai à faire)
Tu penses qu’il en a pour combien de temps ?
Impossible de savoir actuellement pour combien de temps on en a encore.

A très bientôt probablement dans la semaine et de toute façon, à vendredi comme d’habitude pour parler d’autre chose que du coronavirus !

4 réflexions sur “On reste à la maison – Chloé

  1. Rania dit :

    Je vous remercie énormément pour votre travail, j’ai tombé au hasard sur votre chaîne sur Google podcasts, dès la premier écoute j’ai adoré, quoi !
    Bonne continuation

    Aimé par 1 personne

  2. Alexane dit :

    Bonjour Rania,

    Merci à vous de nous écouter et nous sommes contents que cela vous plaise !
    Prenez soin de vous pendant cette période difficile.

    Alexane de France Bienvenue

    Aimé par 1 personne

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